Rainbows Gatherings :
suite des
Pop-festivals...
N'est-il pas bénéfique parfois de regarder l'origine des modes, des courants, des "paradigmes", d'une part pour en apprécier plus pleinement encore l'existence, d'autre part pour percevoir les obstacles qu'ils eurent à surmonter pour éclore!
Cela permet de noter les réactions qui en paralysent, encore aujourd'hui, le plein épanouissement, et de comprendre la difficulté des êtres et des sociétés à accepter des essais de Bonheur simple et naturel!
A l'origine des rassemblements "rainbows" et de leur "philosophie", certes, comme tout le monde le sait: le mouvement "hippy"! Mais de même que ce mouvement fut une adaptation sociale et un déploiement individuel naturel de la mentalité "beatnik", le paradigme "rainbow" nous semble sortir directement de l'engouement des années 67 à 72 pour les pop-festivals... Réajustement de ceux-ci face aux obstacles et difficultés de toutes sortes? Sans aucun doute!...
Nous avons retrouvé un article que nous avions écrit en 74 à leur sujet; les habitués des rassemblements rainbows en tireront certainement quelques conclusions fort utiles pour la suite de leur expérience de mise en place d'une "conscience planétaire"....
LES POP-FESTIVALS
Après l'engouement pour les surprises-parties, les clubs de fans, les Maisons-des-Jeunes, la plupart des pays ont vu en 1967, un nouveau raz-de-marée se déverser sur leur jeunesse: la mode des "pop-festivals"... Bien entendu, l'attrait pour la musique "pop" en est la cause première: mais impossible alors de comprendre pourquoi les "music-halls" ne suffisaient pas! Pourquoi vouloir passer des jours et des nuits inconfortables, et souvent insupportables parfois, mal protégé du froid et pataugeant dans la boue, sous des pluies souvent diluviennes?!
Eclairons ce mystère!.. Essayons de voir jusqu'au bout, déjà le long reportage filmé, témoin du festival de Woodstock (1969), le "père" de toute une (courte) génération de petits pop-festivals à l'assaut du monde... Lisons les comptes rendus journalistiques; penchons-nous sur les multiples difficultés, souvent insurmontables, qui se précipitent le jour de leur conception: observons, penchés sur leur berceau, les lois, les finances, les paperasseries et tracasseries administratives, les discussions avec les propriétaires de terrains adéquats... et demandons-nous pourquoi, en dépit de ces obstacles de cauchemars, certains parvinrent à voir le jour et à survivre... le temps d'un festival! Tel celui de Monterey en 67 (le premier!) jusqu'au "last great concert of its kind" sur l'Ile de Wight en 70; ou de Barney, dans le Lincolnshire anglais, "le dernier dans la vogue des pop-festivals"; après Lewisville, Texas, en 69, l'Odyssey de Wallacia ou les Mittagong, Perth et Adelaide pop-festivals (Australie 71).
Un esprit matérialiste conclurait bien vite que l'attrait du profit excite les promoteurs; or, on le sait, il n'en est rien! Quel festival ne fut pas déficitaire ou ne rapporta, par disques et films interposés, qu'après de longues années d'attente qui n'évitèrent pas la banqueroute initiale!
Alors, pour comprendre, vous avez décidé de vivre cette expérience une fois..., deux fois..., trois fois... Vous vous êtres pris au jeu!... Les festivals se suivent, mais, hélas, se ressemblent tous. Plus ou moins mal organisés, ils végètent... Les orchestres prévus ratent l'avion ou disparaissent en route... Le public, peu expansif, ne parvient pas à créer l'atmosphère souhaitée par les rêveries individuelles. De France, de Belgique, jusqu'aux États Unis, en passant par l'Australie ou l'Ile Maurice, vous pouvez les hanter, picorant les éléments édificateurs de vos futures conclusions...
En voici un de ces pop-festivals, en Australie, en 1971...
Noyé au milieu de 15000 personnes, vous percevez très nettement les dénominateurs communs de cette expression de votre génération. De votre génération, de votre époque, et non point seulement d'une génération... Car qui rencontrez-vous?
Des solitaires, des groupes hippisants, des gamins de 13 ans, des snobs, des familles endimanchées: un échantillonnage inattendu de la société au grand complet! Pas du tout ceux que Monsieur-Tout-Le-Monde-du-Mouvement-Underground, lui qui achète les derniers disques pop, les vrais que refuse un hit-parade digne de ce nom, qui lit les magazines spécialisés venus d'Angleterre et des États-Unis, s'attendait à côtoyer!
Pas du tout ceux que monsieur-Tout-Le-Monde, curieux, non de musique, mais des scènes impensables de la fin du film-modèle (Woodstock), s'attendait à côtoyer! Mais exactement ceux qu'un sociologue ou un psychologue s'attendait à débusquer!... Musique, paix, amitié (le Love des hippies)... Ce sont là des ingrédients bien établis. Convenablement émincés, sautés et accommodés, saupoudrés sur quelques hectares d'herbe bien verte lardée de quelques arbres, d'une ou deux mares à canard, farcis pendant deux ou trois jours de gens de tous âges amateurs de grand air, dairs bien rythmés et peu soucieux de confort et de bonne chère... ils donnent un appétissant, digeste et nourrissant pop-festival.
Non! le camping est différent, en dépit des apparences! Bien entendu, au commencement, on pourrait se méprendre: les organisateurs qui prévoient souvent de vastes tentes pour héberger cette société d'un long week-end, laissent parfois... champ libre à leurs clients; et vous voilà, comme eux, contraint de retourner des milliers et des milliers d'années en arrière: pas de grottes, mais du bois mort, des lambeaux d'écorce, des fougères...
A vous de créer, avec ces matériaux offerts par la nature, (et en y ajoutant au besoin sacs de plastique, imperméables, parapluies) un habitacle protecteur.
Certains, prudents, ont apporté leurs tentes; d'autres, inspirés, ingénieux, édifient des masures fantastiques à partir de ces riens...
Parfois les agrémentent même un bout d'allée bordée d'un jardinet de fleurs sèches... En longeant la "rue" de ce village-champignon, vous croyez vivre dans un conte de fées... et les gens que vous croisez, en général, avec leurs habits étranges, leurs visages espiègles et rieurs, ne sauraient vous détromper...
Hélas, plus loin, vous découvrez des huttes plus spacieuses, mal dissimulées sous des toiles: des autos, des camionnettes. S'y prélassent sur des matelas, derrière des rideaux à fleurs, dans des nuages d'encens et autres fumées, de "bizarres" personnages...
En dépit de l'immensité du terrain, ces "maisons" se serrent les unes contre les autres - besoin de contacts, de sécurité, d'amitié. Les facettes commerciales de ce lieu idyllique sont dédaignées pour l'instant (la scène, les "magasins" de sandwichs, de frites, de riz complet); le village se concentre en fonction du paysage... et la fontaine (des tonneaux d'eau), les sanitaires (une tente de plastique immense) se dresseront auprès de lui, par la suite, sur cette position que la population seule détermina. Y convergeront alors le marchand de journaux (une feuille ronéotypée qui vous tiendra au courant, pendant trois jours, des potins du village), et les congrégations religieuses (Hare Krishna et autres prosélytes)...
Rares étaient les dissidents: l'amitié, ceux-ci, ils la reniaient au profit de la solitude, du repli dans un monde aéré et musical; ils plantaient des tentes immenses et bien aménagées à l'autre extrémité du terrain, au milieu des bois et des broussailles... Les autres irradiaient l'affection, la générosité; le cœur sur la main: "Tu n'as pas d'abri?", vous demandèrent-ils... et vous reçûtes l'assurance de pouvoir loger dans leur maison "de campagne", et une tasse de thé mêlée de fumée. Parfois un passant s'arrêtait, allumait sa cigarette à une braise: on l'invitait alors autour du foyer, ce grand symbole, édifié par chacun avant même de dresser les masures. Instinct ancestral réanimé par l'environnement?
Désir de chaleur non point physique (le ciel était serein) mais affective, après ce long périple loin de sa vraie demeure?
Trop belle pour être honnête, votre description! Oui... vous l'admettez... et cependant, vous ne regrettez ni votre ville, ni votre maison, ni votre feuilleton télévisé..., malgré ce qui va suivre, ce revers de la médaille...Vous ne critiquerez pas les organisateurs: un tel ouvrage demande un esprit d'ordinateur électronique!
Pas d'eau, pas de toilettes lorsqu'arrrivèrent les milliers de visiteurs; mais l'étang suffisait (la boue étant encore au fond!) pour la première nécessité et, pour l'autre, les buissons, la forêt voisine offraient leurs abris. Pas de musique non plus: les techniciens s'affairaient pour que la fée-électricité daignât atteindre ce lieu perdu... Vous ne critiquerez pas non plus le ciel..., du moins pas pour ce jour-là! Il était prévu un soleil éclatant... Mais vous blâmerez votre état d'humain, réservé, peureux, méfiant... Qui invitait-on réellement autour de son feu de bois? Des amis ou des inconnus venus de sa ville..., afin d'échanger des souvenirs, des adresses... Afin de se sentir un peu chez soi... De l'amitié? Plutôt un sentiment d'insécurité, des désirs égocentriques!
Vous souvenez-vous? "Puis-je déposer mon sac sous votre tente pendant que je cherche des amis qui m'attendent ?", demandez-vous à la première "villa" de toile venue. On permet... Mais lorsque vous repasserez , vous apercevrez votre bien, le fond en l'air, à cinquante mètres de là, ... "On ne savait pas à qui il était !", lancent, arrogants, les occupants de la tente. "Il n'appartenait à aucun de nous... Alors !"... L'amitié... le dieu Love? Un mot placardé sur les affiches, les tee-shirts, sur un ou deux tatouages... Une réalité? Non!... Et lorsque tombera la pluie, le troisième jour, combien de tentes étanches demeureront closes aux malheureux sans abris; combien de voitures s'enfuiront, presque vides, longeant, imperturbables, la rangée d'auto- stoppeurs dégoulinants et maculés de boue?
"Non! nous ne sommes pas encore des saints! Nous prêchons charité et amour du prochain, certes, mais l'appliquer est une toute autre affaire", concluez-vous, encore plus triste qu'après vos précédentes expériences de la vie d'un pop-festival.
Mais heureusement, le peuple extravagant de cet extraordinaire village faisait oublier, par sa face extérieure mirifique, la grisaille de sa face intérieure... Pantalons bariolés, multicolores, ceintures hallucinantes, foulards surprenants, insolites robes longues d'un passé romantique, mini-jupes, splendides saris orientaux, vêtements innommables, féeriques assemblages de débris divers, de perles et de sequins... et tant de see-through sur de gracieux corps féminins!
Même les visiteurs du dimanche avaient fait un effort: leurs habits trahissaient des tentatives d'indianisation et de bohèmisation... et leurs chapeaux étranges dissimulaient parfaitement leurs chevelures "bourgeoises"...
Vous avez gagné le grand étang et découvert une nouvelle fois la raison de l'attroupement traditionnel, dans tous les pop-festivals, autour de chaque point d'eau. Non! Le désir de pureté, l'attrait de l'eau ne furent jamais la cause pour plus d'une poignée des habitants de ce nouveau village !
Eux, d'ailleurs, ne stagnaient pas sur la terre ferme! Assemblés en rangs serrés, les voyeurs lançaient de bruyants commentaires, prenaient photo après photo, ricanaient... Leurs principes moraux, leurs inhibitions, leurs complexes, autant de freins grinçants à leur désir de se jeter à l'eau, nus comme des vers, comme la trentaine de jeunes et de moins jeunes qui barbotaient dans le liquide boueux mais frais.
Joie de se libérer des tabous familiaux ou sociaux pour certains, frustrations et combats intérieurs pour d'autres... Vous vous souvenez... Lors d'un autre pop-festival, un couple d'une quarantaine d'années, accompagné d'un tout jeune enfant, sans un mot, sans un regard en direction des Peeping Tom scandalisés, s'était dévêtu et avancé lentement vers l'eau; devant la simplicité du spectacle, devant la grâce naturelle de cette famille, un silence envoûtant était tombé sur la foule. On croyait voir un rituel religieux au bord du Gange...
En fait, à part cet exemple, vous vous souviendrez surtout des rires, des quolibets, des commentaires vulgaires; de ce photographe qui, prétendant enregistrer le sourire de sa petite amie, bien habillée, elle, braquait insidieusement son objectif sur les corps nus de l'arrière-plan...
Et des projectiles aussi, de la boue, lancés par de calmes baigneurs soudain irrités, à une famille endimanchée qui voulait les immortaliser en 24x36... et sur toutes les non-coutures!
A côté de cela, la musique, lorsqu'elle vint, s'avéra bonne, merveilleusement bonne..., incessamment bonne [1]... Et rares furent les instants où elle se tut (vers les trois heures du matin, pour quelques heures).
Une orgie de musique; tant de musique que vous ne pouviez, vous comme les autres, ici comme dans les précédents pop-festivals, plus en absorber, plus en digérer... Et chacun, cependant, de prétendre que c'était tout de même fantastique! Il fallait bien être "dans le vent", cette fois, dans la mesure où cela ne choquait pas notre puritanisme et notre conformisme!
Perdre ses inhibitions, se libérer... Ni la baignade, ni les tentatives de danses frénétiques devant l'estrade ne parvinrent à vous aider véritablement, profondément... Mais de voir des gens nus ou demi-nus, quelques illuminés en transes, gesticulant rythmiquement, de sentir les fumées caractéristiques de tabacs interdits, de croiser et sourire parfois à des inconnus, cela vous donnait l'impression de prendre votre essor vers ces dépassements de vous-même, cet affranchissement...
Un de vos amis, professeur de psychologie, murmura: "ils sont à la recherche d'une nouvelle religion..., une religion païenne, avec musique, nudité et danses; mais aucun prêtre ne peut les aider à exprimer leur moi profond... Aucun psychanalyste, non plus! Ils ont le temple, ce pop-festival, mais les présentateurs ne sont pas à la hauteur de leurs fonctions!" Ils n'épargnaient pas leurs efforts, cependant, ces présentateurs! Prenant les spectateurs par les points faibles de l'être humain: joie de hurler, de jurer, de critiquer les institutions... Ou par ces facettes "nobles" que sont la liberté, la fraternité: "Tenez-vous tous par la main!" lançaient-ils... Et les auditeurs, gauches, timides, demeuraient attentifs, mais inertes. Spectateurs ils étaient; spectateurs ils demeureraient! Ils pensaient, en se rendant dans ces pop-festivals, recevoir nourriture musicale et affective; il n'était pas honnête de leur demander quoi que ce soit, sinon le prix de l'entrée! Pour cette somme, ils savaient pouvoir écouter, entendre, regarder, admirer, contempler les musiciens, les baigneurs, les drogués, les déguisés..., passivement, sans sourire, sans même applaudir parfois. L'Amitié, la Fraternité? Non! Mais la léthargie et la passivité..., à de rares exceptions près...
"Sommes-nous trop égocentriques?", vous demandez-vous. "Trop inhibés" Trop inquiets de l'opinion d'autrui? Certes, il n'y eut aucune violence, aucune bagarre... A part les hurlements, la nuit, de quelques groupes qui, ne pouvant s'endormir, souhaitaient le faire savoir à tout le village, ce festival avait été paisible... , "bien sympathique"... A part la fuite éperdue de tous lorsqu'on demanda, en fin de festival, de ramasser les vieux papiers!... Mais avez-vous vu se manifester autre chose que les balbutiements du mal du siècle... et autrement que par le négativisme, le refoulement, des bribes de défoulement ? Vous vous souhaitez optimiste: "Un premier pas", murmurez-vous. "Par la suite, nous parviendrons à sortir de nos coquilles, à créer quelque chose de positif, à extérioriser et matérialiser notre idéal... N'est-il pas splendide, déjà, de pouvoir réunir autant de monde, de les soustraire à leurs habitudes, de les pousser vers l'air pur, les éléments, leurs semblables... et sans aucun profit matériel, aucune idée mercantile; par soif de bonheur, de libération, de vie simple et champêtre, de coexistence pacifique! Patience!" Mais vous paraissez songeur, préoccupé, légèrement triste...
Bien des années après cet article publié dans je-ne-sais-plus-quel magazine de l'époque, je le lis avec les Rainbow-gatherings en tête (et dans le coeur!): trois réflexions, en rapport avec les 3 plans naturels, évidemment! [2]
Les Rassemblements rainbows?
+ PLUS NATURELS et simples:
(ambiance, participants, moins de "drogues", gratuité; pas de musique électronique, de scène, d'appareillages! Nudité, participation réelle de tous. Propreté parfaite!)[3].
+ PLUS DE CONTACTS CHALEUREUX et EDIFIANTS: sauf dans certaines tribus européennes assez semblables à ces pop -festivals. Est-ce cela qui fait dire à un Site rainbow que "ce n'est pas du camping!" [4].
Réelle conscience "planétaire", en général et rencontres suivies...!
Donc, dans la succession des Mouvements indiqués plus haut: que d'amélioration, d'épanouissement et de déploiement, depuis l'époque des beatniks!...
Emmanuel - Yves Monin.
NOTES :
[1] - Sites internet: voir, "http://www.milesago.com/festivals/wallacia.htm"...
[2] - cf "L'Univers en Code-barre".
[3] - "Our vision is simple"(...) We gather to share (...,) to open our hearts? peut-on lire sur le Site suivant: http://www.geocities.com/southafricarainbow/AboutRainbow.htm
[4] - En fait, exactement: "more than a summer holiday !" sur le Site: http://www.rainbowinfo.org/
et: "not festivals". sur: http://rainbow.spiralwave.co.uk/
Article et photos d'Emmanuel-Yves Monin.
À voir aussi :
Livre
L'Univers en Code-Barres
Dodécalogie et transdisciplinarité. La Grande Architecture de Tout.