Country Festivals, Fêtes Médiévales:
mêmes ébats!
Elles se sont succédées dans le temps: la mode des rassemblements country, dans les villes et villages de France, sembles avoir coïncidé très exactement avec la banalisation des fêtes médiévales (quel coin de France n'en avait pas alors installé une, depuis le début de cette mode vers 1989?). Certes, l'attrait de la musique et des chansons américaines n'a jamais cessé dans notre pays depuis fort longtemps: jazz, spirituals, rock, etc... Mais il ne touchait, jusque dans les années 60, que "the happy few"! Le folk-revival des 70's avait tendu une tentacule anglo-saxonne sur la scène française après quelques tentatives précédentes (en 1939, "Dans les plaines du Far-West" de Y. Montand, "Davy Crockett" en 54 ,de Francis Blanche (chanté par Douchka), puis les groupes de Dan Dickson, Jeff Style, la Skiffle music,Graeme Allright,Hugues Auffray ... des années 50 et 60).
Quant à la "mode" médiévale, elle n'a eu que peu de résurgences depuis le XIXème siècle, et toujours très localisées (des fêtes de Pierre Loti à Rochefort aux scènettes d'amicales laïques, en passant par la littérature: George Sand, Maeterlinck, Peguy, Walpole, Barbey d'Aurevilly, etc...) Mais aujourd'hui, en France, elles coexistent!
Voyons donc pourquoi...
Observons, hors de l'histoire, les parallèles entre ces deux... disciplines artistiques! Cela nous permettra de comprendre pourquoi leurs manifestations "marchent" toutes deux si bien... et pourquoi cette revue Big Bear, tout de même spécialisée dans la musique et la civilisation américaine d'antan, se fait, depuis quelques numéros, l'écho des deux... Et aussi, peut-être (et surtout!), quelles nostalgies et quels espoirs dissimule notre société sous de telles distractions compensatoires.
Nous retiendrons trois points essentiels: le goût des rassemblements qui valorisent le passé culturel, le besoin d'exotisme et la nostalgie de la convivialité.
Oui! On les apprécie, ces fêtes! Car on s'ennuie le week-end, en France! Pas de Hyde Park comme à Londres ou à Sydney, pour aller discuter à perdre haleine et faire des rencontres revigorantes! Pas de flea ou hippy markets hauts en couleurs et chaleureux comme à Ibiza, Goa, Londres, Portland (USA) pour "voir du monde" "différent"! Beaubourg, à Paris? C'est devenu un lieu de consommation et de voyeurisme plus que de convivialité dynamique.. Et fréquenter les boîtes, les théâtres, les concerts, cela finit par être onéreux, partout dans le pays! Quant aux dimanches en province, sans foires, marchés ou brocantes déjà souvent assez tristounets, ils sont vraiment "mortels"!
Oui! On a vraiment partout besoin d'autre chose que de la télévision, des repas familiaux, du cinéma, des cafés enfumés et des amis mille fois écoutés! On a besoin de nouveauté, de chaleur humaine, de bonne humeur, de jeux pour oublier le rôle qu'on s'impose quotidiennement et qui nous sépare tellement les uns des autres!... Et qui nous sclérose dans notre nombrilisme!... Et qui nous fait oublier nos liens avec la planète que nous détruisons, laissons détruire et laissons nous détruire!
On a besoin de LIENS! Liens avec nos besoins profonds, avec nos semblables, avec la nature! Alors, ces Fêtes médiévales, ces Country Festivals, tous ensemble, nous les avons mis à l'honneur comme soupape de sécurité! Et oui! comme on n'ose pas, en général, chanter, sourire, parler, danser naturellement dans les rues, il nous fallait un catalyseur, un moyen "légal" et socialement correct de nous extraire du Robot quotidien! Comme pendant les vacances, mais en plus concentré; comme dans une "boîte" ou une "rave", mais en plus vaste, plus naturel, plus diversifié. Un grand changement de décor où tout le monde (ou presque) jouerait le jeu! Comme dans la vie ordinaire, avec des passants, des marchands, des acteurs, oui ,mais pour se secondariser, ne pas se prendre au sérieux, relativiser nos sensations et sentiments; tout en se "faisant valoir" sans honte: enfin libre d'être prince charmant, cow-boy, dandy, harpie ou rustre, gambling-man ou guitar-man, bonimenteur, colporteur, sorcière...
Pour se "laisser aller" ainsi, il fallait changer de cadre, d'époque, d'imageries; ce besoin d'EXOTISME, voilà ce que ces manifestations comblent pour nous! Nous pouvons enfin paraître "autre"... Déjà nous sortons de notre carcan vestimentaire en nous déguisant... Alors ,que ce soit avec un chapeau (presque) Stetson, des bottes (presque) Santiag, des jupes des années 60, des boucles de ceinture américaines, ou avec un juste-au-corps de velours, un (presque) hennin, une robe (presque) de princesse ou de reine du Moyen Âge, avec des épées (presque) à la Durandal, on se sent bien mieux dans sa... peau! On se sent enfin exister tel que l'on est au fond, dans le coeur...
Enfin libre d'être! Enfin finies les responsabilités et la mise en scène officielle obligatoire! Notre démarche change: moins rigide, à la cow-boy (les bottes y contribuent!); plus digne (un chapeau de l'Ouest ou une coiffe médiévale, ça aide!). Nous nous sentons plus fort: l'habit qui, dit-on, ne fait pas le moine, facilite énormément l'incarnation d'un personnage, d'un état d'esprit (allure, sentiments, émotions)... D'un état d'être! Je ne parle pas, bien sûr, que de ceux qui 'jouent le jeu", qui savent encore jouer, sortir de leur lourdeur, de leur sentiment d'infériorité (orgueil face au qu'en-dira-t-on!); pas que de ceux qui se souviennent avoir été des enfants (comme dit Saint-Exupéry) et qui ne sont pas encore trop rigidifiés, rouillés, misanthropes et sérieux! Dans ces rassemblements country ou médiévaux, quelle bonne raison, quelle bonne occasion pour tous de s'oublier (son moi social) et de se souvenir (de son moi réel)! Comme jadis dans les Carnavals, les Fêtes des Fous de la tradition médiévale... Comme jadis (et toujours) dans ces soirées de square-dances ou de musique cajun de presque toute l'Amérique (ah! Lafayette, Louisiane!... le summum!). Oui! une "bonne raison" est nécessaire si l'on ne veut pas recourir à l'alcool (ou autres substances!) pour se "lâcher", "s'éclater": une raison intelligente!
Nous en avons une: la réitération d'un moment du passé important, bien "chargé", c'est-à-dire offrant un spectacle haut en couleurs, une atmosphère conviviale, le rappel d'une grandeur culturelle... "La totale"!... Pour contrecarrer la tristesse bleue et noire de la street-fashion, la solitude urbaine, la paranoïa cancanière de la province, la quotidienneté du "no future" ou des avenirs incertains...
Contre le pessimisme ambiant, un passé IDEALISÉ va nous redonner espoir, énergie et optimisme: un... Idéal! Let the good time roll... chante la Louisane... "I wish I could go back to the days I'm speaking of... The good times... quand les gens considéraient leurs voisins comme des frères", lance Elvis Presley dans une chanson country...
Et les "Derniers Trouvères"? "Fuyons les outrages des sociétés de haine et de rage! Reprenons courage à d'autres valeurs; le Moyen Âge!"...[1]
Oui! Ces deux types de fêtes nous rappellent qu'on peut être heureux (presque) tous ensemble, tout simplement... Sans grandes théories politico-socio-culturelles! En écoutant une musique qui balance (berce ou fait entrer le corps en vibration - en cadence, le contraire de la plombante décadence!: ballades ou balads... Square dance ou... gaillarde et pavane; ou... en chantant et dansant ensemble! Tout cela fait chaud au coeur et au corps: on se réconcilie facilement avec l'humanité lorsqu'elle n'a plus d'autre idéologie que Jeu, Joie, Jouissance, plus d'autre idéal que le Bonheur pour tous, avec un Veau ou un Sanglier à la broche, un peu de bière ou d'hydromel...
Certes les films nous l'exposent sans cesse: l'univers des contrées américaines est peut-être moins rose que celui de nos fêtes country!... Le Moyen Âge historique, était-il entièrement joyeux? Que nenni! Il fut empoisonné, comme toutes les autres ères de notre humanité, par les "mauvais esprits" intolérants, coincés, endoctrinant les "bons vivants" à leurs idéologies castratrices et mortifères! Mais nous, ici, aujourd'hui, dans ces deux types de rassemblement, nous ne voulons rappeler et voir que le positif, l'idyllique, le parfait de ces "cultures". Nous recréons, en fait, un coin de Paradis sur Terre: "Vous aimez les guitares,les banjos,les violons,les Santiags,les Stetsons; /Eh bien! Youpee! Allons! Let's go! /Et même quand le béton, les machines sont venues /Et la civilisation, /Que les cow-boys ont disparu: /Il est resté leurs chansons!", dit un country song de Florian Lacour.[2]
Et, de nouveau, les "Derniers Trouvères": "Approchez tous,manants, clercs, vives damoiselles, Bourgeois et fiers seigneurs aux pourpoints chamarés... Regardez le tailleur qui la pierre ciséle. Ecoutez le trouvère son amour déclarer..."
Oui! Country festivals et Fêtes médiévales: mêmes ébats (sans débats!) de l'exotisme intelligent et constructif, pour de nouvelles relations et pour une relation nouvelle avec nous-mêmes et avec l'existence! [3] Whaou!... Oyez ,oyez!... Ah! Si l'on pouvait un jour vivre ainsi tous les jours: conscients du Jeu de la Vie, ouverts aux autres dans une convivialité bon enfant et, quelque part, fiers d'incarner des valeurs humanistes éternelles...
Emmanuel-Yves Monin
- Site: lesdernierstrouveres.com
- Parolier de certaines chansons médiévales des "Derniers Trouvères" et également de chansons country. Site internet: florianlacour.free.fr
- On verra ce parallèle exposé dans notre "Elvis Presley,un Héros civilisateur". Au sujet des "valeurs du Moyen Age?", voir nos ouvrages: "Bréviaire du Chevalier","De la Chevalerie à la Libération".
Article d' Emmanuel-Yves Monin
paru dans la revue "Big Bear"( Mars 2003, N°84).
À voir aussi sur le même sujet:
Livre
Le Message d'Elvis Presley
Un Héros Civilisateur
Livre
Le Bréviaire du Chevalier
(Volume I)
Où il est dit que la Chevalerie est éternelle, point de jonction entre Ciel et Terre...
Website
Les Derniers Trouvères
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Florian Lacour
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